

/ texte : Bénédicte Boucays / photos : François Laurens (sauf mentions contraires) Les dix premières étapes, au Pays basque, regorgent de mystères et d’esprits nichés dans ses douces montagnes et ses forêts. Des étapes exigeantes dont on peut réduire la distance selon ses possibilités et ses envies. Mais quoi que l’on choisisse, cheminer sur le GR10…
/ texte : Bénédicte Boucays / photos : François Laurens (sauf mentions contraires)
Les dix premières étapes, au Pays basque, regorgent de mystères et d’esprits nichés dans ses douces montagnes et ses forêts. Des étapes exigeantes dont on peut réduire la distance selon ses possibilités et ses envies. Mais quoi que l’on choisisse, cheminer sur le GR10 entre Hendaye et La Pierre Saint-Martin est un véritable enchantement.
Avant de quitter la baie d’Hendaye, on jette un dernier regard sur les rochers jumeaux. On chemine sur le fil de la frontière entre la France et l’Espagne dans les collines verdoyantes et les estives. Passé le col d’Ibardin et ses célèbres ventas, on rejoint la fraîcheur du ravin d’Intzola et le village d’Olhette. Une première journée plutôt douce, avant d’attaquer “les deux étapes en une” du lendemain avec la montée jusqu’à la Rhune depuis laquelle on profite de la vue sur l’Océan et sur les sommets des Trois Couronnes. C’est magnifique, tout comme l’arrivée sur le joli village de Sare. Après avoir emprunté la “galzada”, une chaussée antique dallée, et suivi la piste balisée jusqu’au pont du Diable en longeant la Nivelle, le sublime village d’Ainhoa n’est plus très loin.
Passage en Basse-Navarre
La journée suivante est aussi gourmande en distance, puisque nous décidons — une dernière fois c’est promis ! — de rejoindre Bidarray, donc de regrouper à nouveau deux étapes. L’itinéraire débute par la montée au col des Trois Croix et au calvaire d’Arantzazu, lieu de pèlerinage.
On chemine ensuite le long d’estives sur des crêtes arrondies. À partir du col de Méhatché, les plus aguerris peuvent grimper jusqu’au sommet d’Artzamendi, la montagne de l’ours. On plonge ensuite en direction de Bidarray et de la vallée du Bastan en passant devant la grotte d’Harpekosendoa.
Entre Bidarray et Saint-Étienne-de-Baïgorry, l’une des étapes du Pays basque les plus exigeantes, mieux vaut avoir le pied montagnard. On y progresse le long d’à-pics vertigineux et sur des pentes herbeuses très raides. L’itinéraire consiste à passer de col en col et à marcher sur la ligne de crête entre les vallées du Bastan et de la Nive. Le premier col à franchir après Bidarray est celui d’Iparla où l’on peut voir la borne 90, l’une des 602 bornes marquant la frontière avec l’Espagne. La partie la plus sauvage et délicate est celle entre le col Buztanzelhay et le col d’Apaloy où l’on chemine dans des pentes très raides jalonnées de surplombs. Le vide n’est jamais loin, mais des mains courantes ont été aménagées. Depuis ces hauteurs, la vue du pic d’Orhy au pic du Midi est exceptionnelle.
De l’étape suivante, on retiendra le pont romain du village de Saint-Étienne-de-Baïgorry, le promontoire de Munhoa, les points de vue tout au long de la journée, d’Iparla au bassin de la Cize en passant par les vignobles de l’Irouléguy et bien sûr la ville fortifiée de Saint-Jean-Pied-de-Port. Le matin suivant, on file vers les fermes rouge et blanc du villaged’Estérençuby. L’environnement n’a rien à voir avec celui de la veille, plus bucolique et doux, un panorama de basse montagne verdoyante, mais l’étape est longue.
C’est à Estérençuby que nous croisons Gratianne. Elle y est née et ne compte plus combien de fois elle a ouvert et refermé l’église du village. Avec ses copines, elles lessivent les sols et dépoussièrent le chemin de croix. “Autrefois, l’église était remplie jusqu’en haut !”, déplore-t-elle avant d’expliquer qu’il suffit de marcher 20 min pour découvrir la source de la Nive. Après avoir quitté ce village de carte postale, c’est au tour de Bernard, qui a choisi de marcher de la Méditerranée à l’Atlantique, de nous surprendre. Cet adepte du trail en est à sa trente-huitième journée, il lui reste cinq jours avant de goûter l’eau salée de l’Océan. Il a choisi de parcourir le GR10 d’est en ouest, pour la photo et la lumière, face au soleil. Un choix esthétique, à l’image des pâturages traversés, cultivés, entretenus, domestiqués et délimités par des clôtures en bois, où rien ne semble pousser par hasard.
Dans les montagnes sauvages
On quitte la Cize pour la Soule mystérieuse. Encore une étape très longue, entre Estérençuby et les chalets d’Iraty, au col de Bagargiak. Mais les esprits des cromlechs du pic d’Occabé (1 328 m) et les lutins de la forêt d’Iraty nous font vite oublier la difficulté. Le lendemain, on se régale de myrtilles sur le sentier au bas du pic des Escaliers. Au sud-est, le regard est tout de suite accroché par le pic d’Orhy, surgissant des hêtraies et des crêtes parsemées d’abris de chasseurs. C’est sur cette partie que l’on s’amuse à repérer les marques rouge et blanc du chemin de grande randonnée sur les troncs d’arbres, abreuvoirs, cailloux, abris de chasse, barrières, pylônes électriques, bâtons, cabanes et cayolars. Difficile de se perdre sur le GR10… Même pour Guillaume qui en rêverait ! “Je suis nomade et j’ai une vie de sédentaire, ça ne me plaît pas”, maugrée celui qui vient de tout larguer. “J’aime travailler, mais si c’est pour faire du chiffre, ce n’est pas la peine. Je suis contrôleur de gestion dans un hôpital, et je ne trouve plus de sens à ce que je fais.”
Une quête de sens que l’on retrouve aussi le lendemain matin, avant d’attaquer la portion entre Logibar et Sainte-Engrâce, en échangeant avec un groupe de copains. Ils ont dormi à côté du parking et sont en train de plier leurs tentes. Nous remontons le torrent et la gorge pour déboucher à flanc de la célèbre passerelle d’Holzarté suspendue avant de nous enfoncer dans une forêt de feuillus d’où l’on devine les eaux vertigineuses du canyon d’Olhadubi, en contrebas.
Changement de rive et cap au nord pour le plateau d’Ardakotxia, belle estive dégagée s’ouvrant sur la vallée de Larrau. Les troupeaux dessinent dans le paysage des sortes de rubans blancs sur l’herbe verte des pentes abruptes. La descente sur le pont d’Enfer et les gorges de Kakuetta (fermées au public) est rapide. Le temps se gâte, on coupe à travers pente, sans oublier de pousser la porte du cayolar d’Anhaou, sur lequelon peut lire : “Vous pouvez vous y installer pour la nuit.” Avant de repartir, nous laissons quelques mots sur le délicat carnet blanc posé sur la table.
À Sainte-Engrâce, on se ravitaille dans l’unique épicerie du village, où “il y a tout”. Effectivement, il y a tout, et dans son jus. Un téléphone des années 1980, des étiquettes sur tous les produits, une balance du siècle dernier, des bonbons à la pièce rangés dans des boîtes en plastique. Félix, lunettes sur le bout du nez, connaît tout ici. Il y est né et n’en est jamais parti.
Nous attaquons la dernière journée dans le brouillard. S’il est un caractère des montagnes basques, c’est bien ce contraste soudain d’une vue immense et dégagée sur les lointains à un paysage bâché de brumes accrochées aux reliefs et aux forêts. Dans le petit canyon que l’on remonte, la végétation est luxuriante, fougères et mousses vertes tapissent le sol.
Le brouillard tamisant la lumière du matin nous propulse dans un monde à la Tolkien peuplé d’elfes et de hobbits. Une intrigante conduite rouillée court sur le sol. Nous en comprenons l’origine en quittant le vallon, devant le panneau d’accès à la grotte de La Verna. C’est par cet étroit cheminement que s’effectuait l’accès historique à la plus grande salle souterraine d’Europe… On zigzague sur les croupes et les pâturages dans un brouillard tenace. Arrivés sur la crête, les nuages se déchirent juste avant le col de La Pierre Saint-Martin, avec en ligne de mire la pyramide du pic d’Anie au lapiaz parsemé de pins à crochets. Le refuge Jeandel et la fin du voyage ne sont plus très loin.
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#GR10
De l’Atlantique à la Méditerranée, marchez sur un chemin mythique. Portraits de GRdistes : ils l’ont fait et témoignent. Toutes les étapes et nos conseils. On y pense depuis des mois, parfois des années ; les godillots trépignent avec le sac à dos dans l’entrée, on aura cet été un peu de temps devant soi… Et si on y allait, pour de vrai ? Encore un peu d’appréhension ? Allez, on vous raconte (presque) tout de cette aventure incroyable. Le reste, ce sera à vous de l’écrire !